Expats Parents, elle confie 18 ans d'expatriation en famille
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Une vie d’expatriation avec Catherine fondatrice d’Expats Parents #podcast59

Pour ce 59ème numéro, rencontre avec Catherine, fondatrice du site Expats Parents et du groupe Facebook du même nom. Forte de ses 18 ans d’expatriation dans 6 pays différents, Catherine nous partage son expérience de famille expatriée.

1- Peux-tu te présenter, toi, ta famille et ton projet Expats Parents ?

Je suis psychologue de formation et j’ai une longue expérience d’expatriée puisque nous avons vécu plus de 18 ans à l’étranger, dans 6 pays différents, avec chaque fois une période de retour en France. Je commence donc à bien connaître les problématiques liées à l’expatriation !

J’ai trois enfants qui sont désormais de jeunes adultes et qui ont été expatriés avec nous jusqu’à assez récemment.

Depuis 4 ans, je me consacre à un projet qui s’appelle Expats Parents et qui est destiné à aider les familles expatriées dans leur vie de nomade. Tout le monde se pose un peu les mêmes questions, a les mêmes difficultés et rencontre les mêmes défis à relever et il n’y a pas tant de ressources sur le sujet, du moins en Français.

Aujourd’hui, Expats Parents c’est un site internet auquel contribue une quarantaine d’auteurs. On a environ 200 articles liés à la psychologie, la scolarité, l’éducation, le mutilinguisme, etc. On trouve aussi des ressources utiles, des livres, des services de sociétés partenaires, etc.

J’y ai associé un groupe Facebook, qui compte 13000 utilisateurs très actifs. C’est très enrichissant car on a des personnes qui se trouvent dans plus de 120 pays, ce qui permet de répondre aux questions de beaucoup de gens !

Catherine Martel, fondatrice d'Expats Parents

2- Est-ce que tu peux nous parler de ton parcours d’expatriation ?

J’ai vécu en Turquie, en Roumanie, à Chypre, au Vietnam, en Autriche et les 3 dernières années en Bosnie-Herzégovine, à Sarajevo. Je suis actuellement en transition en France.

Je suis une conjointe « suiveuse ». Le côté suiveur peut être perçu négativement, mais ce n’est pas du tout mon cas. Je considère que c’est une chance d’avoir cette vie et d’avoir pu découvrir tous ces pays, toutes ces personnes.

Je me suis toujours investie dans la vie associative locale. J’ai créé des associations dans pratiquement tous les pays où nous avons vécu, notamment deux associations du réseau de la FIAF, la Fédération Internationale des Accueils Francophones d’expatriés. J’ai travaillé dans des domaines variés, et pas seulement avec ma casquette de psy. Par exemple, j’ai été prof de Français/Langues étrangères, j’ai travaillé pour des projets de développement ou d’éducation avec Handicap International ; au Vietnam, j’ai été présidente d’une association humanitaire, Coup de pouce Vietnam. Dans chaque pays, j’ai regardé où je pouvais être utile, où je pouvais apporter de la valeur ajoutée et j’y allais.

Cela a été chaque fois des expériences très enrichissantes et ma formation de psychologue m’a été utile dans tout ce que j’ai entrepris.

3- Est-ce que tu as aussi connu ce moment de solitude à l’arrivée dans un pays ?

Oui oui ! A chaque fois ! Quand tu arrives dans un pays, tu ne connais personne. Et il faut mettre toute la famille sur les rails. Avec les enfants, il faut gérer l’école. Et il me faut toujours quelques mois d’observation pour trouver ce que je veux faire. Chaque fois, c’est arrivé assez naturellement, après un petit temps.

Par exemple en Roumanie, j’emmenais ma fille jouer dans un terrain vague, plus qu’une aire de jeux, et j’ai sympathisé avec une Roumaine mariée à un Français. De fil en aiguille, nous avons créé une structure pour accueillir les petits francophones de moins de 3 ans. La structure existe toujours, depuis plus de 20 ans, à Bucarest.

Pour l’accueil FIAF de Nicosie, je me retrouvais chaque matin à discuter avec les autres mamans, l’une venait de Bucarest Accueil, une autre de Casablanca Accueil, de Bangkok Accueil. Et on a eu l’idée ensemble de monter la structure à Nicosie.

Je ne suis jamais partie dans un pays en sachant à l’avance ce que j’allais faire. C’est un état d’esprit : en étant disponible et ouvert aux personnes que tu rencontres, tu trouves des opportunités.

Le dernier pays, c’est celui où j’étais le plus isolée. A Sarajevo, il n’y a pas d’accueil FIAF et il n’y a pas de grosse communauté francophone ou d’expatriés. Et moi, je venais de lancer mon projet Expats Parents donc je me suis retrouvée plus isolée.

Depuis 4 ans, j’ai cette activité qui est un peu nomade. Cela me permet de construire quelque chose sur du long terme et pas seulement sur les 2 ou 3 ans où je suis dans un pays.

Expat Parents le site d'expatriation

4- Est-ce que tu connais de la lassitude liée au fait de commencer des projets et de devoir les laisser au bout de 2-3 ans ?

Non, il y a un aspect enthousiasmant au fait de démarrer un projet, de regrouper des personnes, de trouver les énergies nécessaires au lancement d’une nouvelle idée. Et une fois que c’est lancé, je n’ai au aucun mal à passer la main. Chaque fois, il y a eu une équipe en place pour faire perdurer le projet. Je ne me suis jamais dit « j’arrête » mais plutôt « je passe la main ». Donc je ne garde que le côté enthousiasmant du lancement d’un projet.

5- Est-ce que tu as rencontré des problèmes à cause de la barrière de la langue ?

Non, pas vraiment. C’était généralement des projets en Français.

En Roumanie, je travaillais pour Handicap International sur la création d’un centre de jour pour accueillir des enfants en difficulté physique. L’équipe n’était composée que de Roumaines, quelques-unes parlaient Français, et puis je me suis mise au Roumain !

Au Vietnam, c’est autre chose mais quand on avait vraiment besoin, on fonctionnait avec des interprètes.

6- Comment tes enfants ont-ils géré cette vie d’expatriation ?

Il me semble que pour eux, c’était devenu une normalité. Ils ont toujours connu ça puisqu’on a commencé les expatriations quand notre aînée avait 9 mois. Il étaient scolarisés dans des lycées Français à l’étranger donc leurs camarades de classe vivaient la même chose. Les départs, les arrivées, c’est la norme dans ce genre d’établissement.

Quand nous sommes arrivés à Chypre, ma fille aînée avait 5 ans, elle m’a dit : « on va rester ici 3 ou 4 ans et après, on ira où ? ». Déjà à 5 ans, elle avait intégré qu’on resterait là pour une certaine durée seulement.

Malgré tout, cela n’a pas toujours été facile pour eux. Notamment, à partir de l’adolescence, c’est plus compliqué. A cet àge-là, les amitiés interrompues sont plus difficiles à vivre. Ils cherchent à s’éloigner de leurs parents et l’expatriation, c’est exactement l’inverse !

Et parfois, ils ont envie de construire des liens sur la durée et de ne pas toujours dépendre des parents et des déménagements imposés.

Dans le dernier pays, notre fils qui était avec nous avait 15 ans, il sortait de la classe de 2nde en France. En Bosnie, il est passé dans une structure en anglais qui venait juste de s’ouvrir. Ils étaient 4 ou 5. Clairement, il aurait préféré rester en France dans son lycée. Il était un peu tiraillé entre les deux : être avec nous ou dans son lycée.

J’espère que cette enfance qui s’est déroulée dans plusieurs pays leur aura donné une certaine ouverture d’esprit, une richesse, un esprit de tolérance et qu’ils le garderont toute leur vie.

7- Que penses-tu qu’ils tirent de ces multiples expatriations pour construire leur vie d’adulte ?

Les enfants qui ont vécu dans plusieurs cultures sont appelés les Third Culture Kids, les enfants de la troisième culture. Cécile Gylbert a écrit un livre à ce sujet Les enfants de la Troisième Culture. Florence Chabert D’Hieres a aussi écrit sur le sujet dans I’m a citizen of the world pour que les familles comprennent quels sont les enjeux et les défis pour ces enfants qui sont élevés dans plusieurs cultures.

Récemment, Cécile Gylbert a écrit un article pour Expats Parents qui s’appelle Les Enfants d’Obélix. Elle y explique que l’expatriation, c’est comme une potion magique. Quand on est tombés dedans quand on est petits, les effets se font sentir jusqu’à l’âge adulte : elle développe son argumentaire en disant que l’expatriation développe une certaine aptitude au changement, des capacités relationnelles, une capacité à interpréter leur environnement. Cela donne aussi des atouts linguisitiques car souvent ce sont des enfants qui ont appris des langues étant jeunes. Cela developpe leur curiosité, leur flexibilité, une sorte de compréhension globale du monde qui est sans doute plus large, plus tolérante.

Ils sont citoyens du monde. D’ailleurs, ils ont tendance à opter pour des cursus à l’international. Pour eux, c’est la planète qui précaut plutôt que leur pays d’origine qu’ils n’ont parfois pas vraiment connus. Ils se mettent beaucoup moins de barrières géographiques.

8- A contrario, est-ce que tu as essayé d’entretenir un lien particulier avec la France pour tes enfants ?

Pour moi, la question ne s’est pas tellement posée parce qu’ils étaient dans des lycées Français. Ils lisaient en Français, des livres, des magazines. Cela ne jamais été un problème pour nous.

Mais, en effet, je vois sur le groupe que c’est une question qui peut se poser dans les familles pour maintenir et enrichir le niveau de Français, notamment dans la perspective d’un retour en France. C’est d’ailleurs pour cette raison qu’on retrouve beaucoup de ces enfants dans les cursus internationaux en France.

9- Où sont tes enfants aujourd’hui ?

Ma fille aînée vient de terminer son internat de médecine à Grenoble. Elle commence des remplacements.

Ma deuxième fille est étudiante à Amsterdam depuis plus de 3 ans, où elle suit un master anglophone de recherche en littérature. Elle se plaît beaucoup à Amsterdam où elle a retrouvé ce côté cosmopolite.

Mon fils, qui a 18 ans, est en 2ème année d’études de concept art à Paris. Il rêve de pouvoir aller étudier cela aux Etats-Unis, à Los Angeles où ils sont à la pointe dans ce domaine.

10- Lors de votre dernière expatriation, tes enfants n’étaient pas avec toi…

Pendant 2 ans, on avait notre fils. Mais on n’avait plus les trois depuis quelque temps déjà !

On a laissé notre 1ère fille en France à ses 17 ans lorsqu’elle a commencé ses études de médecine. Nous étions en Autriche. L’expatriation suivante, c’est notre 2ème fille que nous avons laissée et la prochaine expatriation, ce sera la 1ère fois qu’on partira sans enfant. Je suis bien contente de ne pas avoir de question de scolarisation d’enfant à gérer parce qu’en ce moment, ce n’est pas simple ! Il y a beaucoup d’incertitudes et c’est très difficile d’anticiper quoi que ce soit.

11- Comment as-tu géré la distance avec ta fille aînée lorsque vous êtes partis sans elle pour la 1ère fois ?

C’est vrai que ce n’était pas facile. Heureusement, nous n’étions pas au bout du monde. Elle était à Lyon et nous étions à Vienne. J’ai fait pas mal d’allers-retours entre les deux villes pour la soutenir dans cette année d’études particulièrement demandeuse et pour lui préparer des bons petits plats !

C’est important d’être présent malgré la distance. La technologie aide beauocup à garder le contact ! On peut se parler très souvent, échanger des photos, des appels vidéo. C’est génial quand même d’avoir tout ça à disposition !

12- Est-ce que tu as le sentiment d’avoir loupé quelque chose à cause de la distance ?

Non pas vraiment. Cela a parfois été difficile pour moi, j’aurais voulu plus les aider sur certaines choses mais il faut aussi accepter que nous ne sommes pas indispensables et qu’ils peuvent trouver de l’aide ailleurs, même si l’autonomie n’est pas nécessairement un trait de caractère renforcé par l’expatriation.

J’ai pu être très présente pour eux quand ils étaient petits, c’est vrai. Mais d’un autre côté, l’expatriation renforce la cellule familiale, ce qui n’incite pas tellement à développer l’autonomie parce que les enfants sont habitués à être dans ce cercle rapproché protecteur.

13- Est-ce qu’il y a des pays où vous vous êtes sentis particulièrement bien ?

J’ai eu l’impression qu’on était dans certains pays au bon moment. A Chypre par exemple, on y était quand nos filles avaient 2 et 5 ans et notre fils y est né. Et c’est un pays parfait pour y vivre avec des petits. Les ados doivent plus vite y tourner en rond. Là-bas, on était vraiment au bon endroit au bon moment.

J’ai apprécié chacune de nos expatriations pour des raisons différentes. Mais j’avoue que j’ai eu un petit coup de cœur pour le Vietnam. C’était très différent de ce que j’avais déjà connu, et je suis tombée sous le charme des couleurs, des odeurs, des gens, de tout !

14- Quels sont tes projets à venir ?

C’est assez difficile de se projeter en ce moment. Nous avons quitté Sarajevo fin septembre et 2 jours avant le déménagement, à cause de la crise sanitaire, nous ne savions pas où nous allions ! Nous avons finalement rejoint notre point de chute en France et nous espérons repartir à l’étranger l’été prochain mais sans aucune certitude.

Concernant Expats Parents, j’aimerais proposer davantage de rencontres, virtuelles en attendant de pouvoir faire mieux. J’ai quelques autres projets en cours mais c’est un peu tôt pour en parler. Toujours dans l’idée d’aider les familles expatriées.

15- Est-ce que tu aurais un pays de rêve où tu aimerais t’expatrier ?

Non… je me suis rendue compte qu’on peut finalement difficilement anticiper ce qui va se passer sur place et comment on va se sentir dans un pays.

Je pense que dans chaque endroit on peut être bien. Chaque fois, c’est une nouvelle opportunité de découvrir quelque chose de nouveau.

Notes

Retrouvez toutes les ressources sur le site Expats Parents , le groupe Facebook .

♥♥♥ Emilie & co ♥♥♥

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